
L’éducation traverse une transformation profonde à l’échelle internationale. Une récente méta-analyse publiée en 2023 par Cipriano et d’autres chercheurs et chercheuses révèle que les programmes d’apprentissage socio-émotionnel (SEL) se déploient désormais dans 53 pays et touchent plus de 575 000 élèves.
Une adoption mondiale qui s’accélère
Si les États-Unis ont été précurseurs dans ce domaine, l’analyse montre que l’adoption des programmes SEL s’est considérablement élargie. Des nations aussi diverses que l’Australie, l’Espagne, le Canada, Hong Kong et la Norvège ont massivement intégré ces approches dans leurs curriculums.
Parmi les programmes qui s’exportent avec succès à travers le monde, on retrouve notamment :
- Second Step, déployé aux États-Unis, en Australie, au Canada, à Hong Kong et en Norvège, qui développe les compétences sociales, la régulation émotionnelle et la résolution de problèmes
- Positive Action, présent aux États-Unis et en Australie, qui vise l’amélioration des résultats académiques et comportementaux
- PATHS (Promoting Alternative Thinking Strategies), adopté aux États-Unis, en Australie, au Canada et en Espagne, conçu pour renforcer la compétence sociale et la maîtrise de soi
D’autres programmes comme RULER (développé par l’Université de Yale), Incredible Years ou FRIENDS ont également franchi les frontières pour s’adapter à différents contextes culturels et éducatifs.
Des résultats qui parlent d’eux-mêmes
L’efficacité de ces programmes n’est plus à démontrer. La méta-analyse révèle des améliorations statistiquement significatives dans plusieurs domaines cruciaux :
- Développement des compétences socio-émotionnelles
- Renforcement des attitudes positives et des croyances adaptatives
- Augmentation des comportements prosociaux
- Réduction des comportements perturbateurs
- Diminution de la détresse émotionnelle
Ces résultats sont particulièrement marqués dans les pays qui ont adopté le modèle SAFE (Séquentiel, Actif, Focalisé, Explicite), une approche structurée qui garantit l’intégration efficace des compétences psychosociales dans le curriculum.
Le cadre CASEL : un langage commun pour l’éducation émotionnelle
Au cœur de cette révolution éducative mondiale se trouve le cadre CASEL (Collaborative for Academic, Social, and Emotional Learning), désormais intégré dans les stratégies éducatives de 36 pays. Ce modèle, qui s’articule autour de cinq compétences fondamentales – conscience de soi, maîtrise de soi, conscience sociale, compétences relationnelles et prise de décision responsable – offre un langage commun pour penser l’éducation émotionnelle.
Des nations comme la Finlande, Singapour, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont incorporé ce cadre dans leurs politiques éducatives nationales, reconnaissant son potentiel pour améliorer non seulement les résultats académiques, mais aussi le bien-être général des élèves.
Une réponse aux défis éducatifs post-pandémie
L’accélération de l’adoption des programmes SEL s’inscrit également dans un contexte post-pandémique où les besoins en santé mentale des élèves se sont intensifiés. De nombreux pays ont réalisé que l’apprentissage des compétences émotionnelles n’était pas un luxe mais une nécessité pour construire la résilience des jeunes face aux défis contemporains.
En Australie, par exemple, les programmes comme Aussie Optimism visent explicitement à prévenir l’anxiété et la dépression en enseignant des compétences de pensée positive et de résolution de problèmes. En Norvège et en Espagne, Zippy’s Friends aide les jeunes enfants à développer des stratégies d’adaptation pour faire face aux défis quotidiens.
Vers une éducation plus équitable et inclusive
L’un des aspects les plus prometteurs des programmes SEL est leur potentiel à promouvoir l’équité éducative. La méta-analyse souligne que ces interventions peuvent être particulièrement bénéfiques pour les populations marginalisées, notamment les élèves en situation de handicap, ceux issus de milieux défavorisés ou ayant vécu des expériences traumatiques.
En intégrant les compétences socio-émotionnelles dans l’éducation de base, ces programmes contribuent à niveler les inégalités et à offrir à tous les élèves les outils nécessaires pour réussir, non seulement à l’école mais dans tous les aspects de leur vie.
Une transformation qui ne fait que commencer
Les données impressionnantes de cette méta-analyse couvrant 424 études à travers le monde suggèrent que nous assistons seulement aux débuts d’une transformation profonde des systèmes éducatifs. Alors que de plus en plus de pays reconnaissent l’importance cruciale des compétences socio-émotionnelles, le mouvement SEL continue de s’étendre et de s’enrichir d’expériences diverses.
Ce qui nous invite à repenser fondamentalement ce que signifie éduquer un enfant au XXIe siècle. Au-delà des connaissances académiques traditionnelles, l’école du futur semble s’orienter vers une vision plus holistique, où l’intelligence émotionnelle occupe une place aussi importante que l’intelligence cognitive.
À l’heure où notre monde devient de plus en plus complexe et interconnecté, ces compétences sont essentielles pour préparer les jeunes générations aux défis qui les attendent. La révolution des compétences psychosociales est en marche, et elle pourrait bien représenter la plus grande avancée éducative de notre époque.
Sources :