Dans un contexte de crise profonde du recrutement enseignant, le Premier ministre François Bayrou et la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne ont présenté une réforme majeure de la formation des enseignants en France. Cette initiative, qui reprend les orientations annoncées par le président Emmanuel Macron, vise à rendre le métier plus attractif et accessible, alors que plus de 3 000 postes sont restés non pourvus lors des concours 2024.
Un nouveau parcours professionnalisant dès le post-bac
La réforme prévoit un retour à l’esprit des Écoles Normales, mais dans une version modernisée qui répond aux défis contemporains de l’éducation. À partir de 2026, les futurs enseignants pourront s’engager dans un parcours de formation structuré sur cinq ans, dès la sortie du baccalauréat.
« Nous instaurons des licences préparatoires au professorat qui seront centrées sur les disciplines fondamentales : français, mathématiques, histoire et géographie, » a expliqué la ministre Borne lors de la présentation de la réforme.
Cette professionnalisation précoce se traduira par des stages en établissement dès la première année de licence, permettant aux étudiants de se familiariser avec la réalité du terrain. Les parcours seront adaptés selon que les étudiants visent l’enseignement primaire ou secondaire, avec des approches disciplinaires ou pluridisciplinaires.
Un aspect innovant de ce dispositif est l’introduction d’un bonus au concours pour les titulaires d’une licence d’éducation, incitant les étudiants à s’engager tôt dans cette voie professionnelle.
Repositionnement des concours et formation rémunérée
L’un des changements les plus significatifs concerne le calendrier des concours. Contrairement à la réforme de 2021 qui avait placé le CAPES et le CRPE (Concours de Recrutement de Professeurs des Écoles) à Bac+5, la nouvelle réforme les repositionne à Bac+3 dès 2025.
Les lauréats de ces concours bénéficieront ensuite d’une formation rémunérée sur deux années :
- En Master 1 : les étudiants auront le statut d’élève fonctionnaire et percevront 1 400 € nets par mois. Ils passeront un tiers de leur temps en stage, principalement en observation et en pratique accompagnée, avec des responsabilités limitées.
- En Master 2 : devenus fonctionnaires stagiaires, leur rémunération passera à 1 800 € nets mensuels, avec 50% du temps consacré à la prise en charge d’une classe en responsabilité.
« Cette formation progressive et rémunérée permet de lever l’obstacle financier qui empêchait de nombreux étudiants de s’orienter vers l’enseignement, » a souligné François Bayrou. À l’issue de leur formation, les enseignants s’engageront à exercer pendant au moins quatre ans, garantissant ainsi un retour sur investissement pour l’État.
Un investissement public conséquent
La mise en œuvre de cette réforme représente un effort budgétaire important :
- 26 millions d’euros seront déployés en 2026 pour la phase pilote
- 294 millions d’euros sont prévus pour 2027
- L’investissement atteindra environ 500 millions d’euros par an à partir de 2028
Ces montants reflètent l’ambition du gouvernement de revaloriser la formation des enseignants et de rendre le métier plus attractif.
Des avancées significatives mais des défis structurels non résolus
Si cette réforme constitue une avancée notable dans la formation des enseignants, plusieurs observateurs du secteur éducatif soulignent qu’elle ne traite pas les causes profondes de la crise actuelle.
L’effondrement des candidatures (-45% dans le primaire et -21% dans le secondaire depuis 2021) et le taux alarmant de démissions (multiplié par cinq en dix ans, avec 30% d’abandon pendant l’année de stage) ne s’expliquent pas uniquement par le parcours de formation.
« La réforme ne répond pas à la question centrale des salaires peu compétitifs, » analyse un responsable syndical, rappelant que les enseignants français gagnent jusqu’à 20% de moins que la moyenne des pays de l’OCDE après 15 ans d’ancienneté. « La majorité des enseignants perçoit moins de 2 500 € nets par mois, soit environ 1 000 € de moins que d’autres fonctionnaires de catégorie A à qualification équivalente. »
Le bien-être enseignant, un facteur clé de réussite
Chez ScholaVie et avec le Collectif CPS, nous soulignons l’importance d’intégrer dans cette nouvelle formation des modules sur le développement des compétences psychosociales. Ces compétences permettront aux futurs enseignants de mieux gérer le stress professionnel, de créer des relations de qualité avec les élèves et de favoriser un climat de classe positif.
Ces aspects sont essentiels pour la rétention à long terme des enseignants et leur bien-être professionnel.
Une réforme à l’épreuve du temps
La réussite de cette réforme dépendra fortement de mesures complémentaires concernant la revalorisation salariale, l’amélioration des conditions de travail et un soutien institutionnel durable aux enseignants.
En restaurant un parcours de formation clair et structuré dès le post-bac, en rémunérant les années de master et en favorisant une immersion précoce dans les établissements scolaires, le gouvernement espère attirer davantage de candidats vers le métier d’enseignant.
Cependant, l’impact réel de ces mesures ne pourra être évalué qu’à moyen terme, au regard de l’évolution du nombre et de la qualité des candidats aux concours, ainsi que du taux de rétention des nouveaux enseignants dans la profession.
La formation des enseignants constitue sans doute un levier essentiel pour améliorer l’attractivité du métier, mais elle ne pourra à elle seule résoudre une crise qui s’enracine dans des problématiques plus larges de reconnaissance sociale et de conditions d’exercice du métier.